La fleur des temps

Lorsque j’aurai atteint la fleur de l’âge, je me pencherai sur le berceau du monde, sur celui qui nous vit naître, aimer et mourir. Nous nous regarderons sans sourire, sans pleurer, comme deux vieux enfants épuisés par ce siècle, abandonnés à la fureur du temps, jetés en pâture dans un océan de désamour et de faux triomphes. Je deviendrai esclave d’une civilisation qui s’achève au firmament de son existence, qui s’effondre lourdement et sans bruit, qui s’étouffe avant d’avoir vieilli, qui tombe en bâillant. Je n’aurai plus la force, plus l’envie. Et nos larmes seront si peu de choses devant un tel embrasement… Mais là-bas, dans les flammes, la cendre noir, l’air irrespirable, dans cette nuit sans lune, dans ce brouillard inommable, une croix magistrale s’élèvera. La croix de Notre-Dame, la croix de la Résistance, la croix de Verdun, la croix des hommes qui prient en silence, la fleur hivernale, l’apothéose avant l’apocalypse, frappée des armes de la France, drapée d’un linceul tricolore, trophée des morts et fardeau des vivants, médaille des pauvres et misère des géants. Nous la regarderons, lassés et fiers. Fatigués. Amoureux.


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